par S.E.Jacques BOISSON, Ambassadeur de la Principauté de Monaco, Représentant personnel auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie
À la fois langue véhiculaire et vernaculaire, le français est la langue officielle de la Principauté de Monaco. Les Monégasques, au nombre de sept mille environ, ainsi que les Français – la principale communauté étrangère qui représente près de neuf mille personnes – ont le français comme langue maternelle. État cosmopolite, la Principauté de Monaco abrite également de nombreux étrangers, environ vingt-quatre mille, dont plus de cinq mille Italiens. Beaucoup sont d’origine anglo-saxonne, sans compter les résidents allemands, russes ou encore venus de pays nordiques et méditerranéens. De très nombreux frontaliers, Français et Italiens, viennent chaque jour travailler à Monaco, principalement dans le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, l’industrie, la construction, les banques et les services. Les Italiens, dans leur grande majorité, possèdent une parfaite connaissance de la langue française qu’ils pratiquent aisément et quotidiennement. Si l’usage du français ne soulève aucune difficulté particulière pour les Italiens à Monaco, il n’en est pas de même, comme en France, pour les personnes de provenance plus lointaine, d’origines diverses et variées, qui réclament un effort particulier d’intégration de la part notamment des pouvoirs publics.
La rencontre avec la langue française s’est réalisée pour certains d’entre nous dès le berceau, à l’éveil de la vie, à travers les contes et les chansons enfantines tendrement murmurées par nos mères ou nos grands-mères. Pour d’autres, cette rencontre s’est produite au jardin d’enfants, sur les bancs des écoles primaires ou secondaires, dans les cours de récréation ou les préaux de jeux, à l’occasion des premiers émois des relations humaines, des compétitions intellectuelles ou sportives, dans les premiers rapports d’amitié et d’affinités. Pour beaucoup enfin, c’est à l’Université, au cours des études supérieures, à travers la littérature, que s’est déroulé l’apprentissage de cette langue, ou encore sa pratique et son enracinement. Les moyens d’information de masse, la presse, la radio, la télévision, ou aujourd’hui la communication électronique, ont aussi largement contribué à cette rencontre, en éveillant curiosité, intérêt et passion. Et puis, chez tous, discrètement, incidemment, soudainement, totalement, elle s’est inscrite dans la vie, dans les tourments et les bonheurs des jours, dans l’aventure du destin, elle a acquis sa place, est devenue indispensable, est devenue moments de joie, source de rapprochement, de solidarités, et enfin, essence d’une communion, de partages de valeurs, de visions élargies de mondes multiformes, d’existences riches et diverses, de vécus communs. La langue française nous a aspirés, s’est installée en nous, heureuse, tranquille, utile. Elle a fait de nous un autre, cent autres, mille autres. Elle nous a recréés avec nos identités, nos espoirs, nos devenirs, nos ambitions. Elle s’est associée à nos émotions, à nos projets, à nos racines, à nos enrichissements mutuels. Elle a fait de nous ce que nous sommes, mais aussi ce que nous voulons être.
Elle fait que, tous, nous sommes bien ensemble, heureux de nous rencontrer, de nous dire, de nous redire et de nous souvenir. Faisons exister, vivre et survivre ce français qui a tant contribué à nous bâtir, à nous unir, à nous comprendre et surtout, surtout, efforçons-nous de partager avec d’autres encore cette aventure de la rencontre, cette initiation à la langue en leur faisant connaître, apprécier et aimer. Monaco, à sa modeste mais réelle mesure, contribue à faire connaître, apprécier et aimer sa langue car le français est sa langue. De nombreux étrangers visitent la Principauté de Monaco, hommes et femmes venus d’ailleurs. Ils rencontrent souvent, pour la première fois, la langue française en Principauté. Leurs enfants deviennent élèves de nos établissements, leur vie s’insinue dans un environnement francophone que nous nous efforçons de rendre accessible et harmonieux. Si la place de la langue française à Monaco ne se pose pas en termes d’évolution, d’analyses ou de propositions, puisqu’elle est nôtre, à la fois maternelle, scolaire et nationale, elle n’en reste pas moins un vecteur à renforcer et à développer, selon des modalités bien particulières, de manière à permettre aux arrivants d’aires linguistiques diverses et différentes de rejoindre notre communauté, aux visiteurs, aux journaliers de nous côtoyer sans gêne ni difficulté. Notre système d’éducation s’y emploie avec des moyens et des techniques qui lui sont propres et dont le parler monégasque bénéficie. Il y a peu, presque moribond, il se plaît, en effet, à renaître et à s’épanouir. Nos autorités s’y consacrent, nos enseignants s’y engagent chaque jour, sans impatience, mais avec conviction et détermination, afin d’offrir comme un merveilleux cadeau de bienvenue le goût du français et son apprentissage par étapes, au rythme de chacun, de manière à ce que cette belle langue aux multiples et riches facettes s’intègre à leur vie avec égards et sans trop de vicissitudes, comme le ferait une amie attentive et prévenante.