par S.E.Rachad FARAH, Ambassadeur de la République de Djibouti
La position géographique de Djibouti a fait que dans cette région du Sud de la Mer Rouge, se croisent plusieurs courants de grandes civilisations, de l’Egypte pharaonique à la civilisation arabo-musulmane, en raison de la proximité avec les grands centres universitaires de l’âge d’or de l’Islam et des hauts lieux saints. L’histoire a ensuite amené la présence française, conférant à Djibouti une spécificité dans cette région, non seulement en termes linguistiques mais aussi en termes de valeurs francophones qui font partie intégrante du quotidien de la Nation Djiboutienne depuis deux siècles. Notre pays a réalisé une symbiose intellectuelle réussie entre son appartenance à l’Islam et ces valeurs francophones, sans conflit ni complaisance. Du fait de cette histoire, Djibouti s’est retrouvé entouré par une zone historiquement liée à la Couronne d’Angleterre, renforçant ainsi sa singularité géo-culturelle.
En effet, entouré par plus de cent millions d’anglophones, Djibouti a su préserver son attachement à la langue de Molière et aux valeurs de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, héritées de la Révolution Française et devenues un patrimoine universel, dont la Francophonie est fière. Après l’Indépendance, Djibouti a consolidé l’enseignement de la langue arabe comme acquis d’équilibre et d’identité, tout en cherchant à renforcer le français à travers la création d’écoles primaires et secondaires qui ont considérablement augmenté depuis 1977, date de l’Indépendance, élargissant ainsi la base de la pyramide scolaire. Cette progression vers le renforcement des infrastructures éducatives, bénéfique pour tous les Djiboutiens et Djiboutiennes, s’est faite avec le soutien de plusieurs pays amis tels que la France et la Tunisie, avec une assistance technique financée notamment par des fonds arabes et japonais. Sous l’impulsion du Président Ismaïl Omar Guelleh, une loi rendant l’éducation obligatoire jusqu’à seize ans a été adoptée.
En 2000, le Président a initié de nouvelles perspectives en créant la première Université de Djibouti, seule université francophone dans la région. Celle-ci nécessite un soutien et un renforcement continus, pouvant devenir une vitrine intellectuelle francophone dans cette zone géographique. Nous ne pouvons relever seuls ce défi : nous avons besoin de la solidarité de la Communauté francophone pour mener à bien ce projet. Cette Université francophone de la Corne de l’Afrique et de la Mer Rouge pourrait accueillir des étudiants d’Ethiopie, du Yémen, d’Erythrée, du Soudan, du Kenya, de l’Ouganda ou de la Somalie, leur permettant d’étudier en français et de devenir les futurs cadres partageant ainsi les valeurs communes de la Francophonie, contribuant ainsi à développer la présence quasi-inexistante de la Communauté francophone dans cette région. D’autre part, une solidarité active entre Djibouti et la Communauté francophone est plus que nécessaire pour faire de notre pays une destination pour les forums et les événements culturels liés aux activités de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
La visite officielle du Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, le Président Abdou Diouf, à Djibouti en juin 2006, témoigne d’un acte de solidarité et d’amitié. Djibouti nourrit de grandes ambitions, un espoir qui ouvre de belles et nobles perspectives impliquant une solidarité active qui contribuerait à faire de notre pays un pôle d’attraction, un modèle de la Francophonie combattante à l’aube de ce troisième millénaire. L’isolement géo-linguistique, souvent considéré comme une faiblesse, pourrait devenir un point de rayonnement pour la Francophonie. En un mot, notre pays renforcerait son rôle d’acteur dans le dialogue des civilisations, au carrefour des continents.